« Ce que tu ne peux pas vivre, tu peux l’écrire mais ce que tu ne peux écrire comment le vivre ? Les arbres, eux, le savent : c’est la cinquième saison. Oh bien sûr il y eût le printemps, l’été… mais l’année en son quatuor ne t’a rien dévoilé, il te manque un amour de souche, un dieu qui n’aimerait que toi.
Tu marches. De paysages en paysages. Ton pas est fragile sur la terre, personne ne t’enlace. Il te faut de l’art, tu t’essouffles, quand soudain tu l’aperçois.
Tu t’approches.
Tu vois bien que ce n’est pas une photo : c’est un arbre. Attention, on ne peut pas avoir le coup de foudre pour un arbre, ça le tuerait, mais on peut l’aimer, l’aimer sur la durée, toutes racines emmêlées.
Il est seul. Tu es seul. Il ne te quittera plus. Tu plaques ton coeur contre l’écorce, ta langue cherche ses racines. Lui, c’est le Verbe révélé, celui qu’il incarne et que tu cherches depuis les origines, celui qui coule de source, de sève et de résine : TENIR ( troisième groupe, infinitif, intransitif, cinquième saison). Tenir à quelqu’un, tenir debout, tenir droit, contre vents et marées. Tenir ta main, tenir à toi, tiens-moi, tenir encore, encore à jamais, un peu, et même jusqu’à demain.
À califourchon sur le soleil, au ciel blondi de l’arbre, ton chagrin se disloque.
À Pierre Gable… »
Eliza De Varga